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CHRISTOPHE THIBAULT, PRÉSIDENT DE LA SECTION HORTICOLE DE FELCOOP, PRÉSIDENT DE LA COOPÉRATIVE FLEURON D'ANJOU « En période de crise, il faut se regrouper pour être percutant sur le marché »

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Comment est représentée la filière horticole au sein de Felcoop ?

Felcoop compte 10 coopératives horticoles représentatives de la diversité de notre métier, avec des adhérents en fleur coupée, pépinière et plantes en pot pour le « marché couvert ». Le secteur des fruits et légumes est le plus représenté parmi nos 300 membres. Avec un chiffre d'affaires de 20 à 25 millions d'euros en fleurs et plantes par an, Fleuron d'Anjou est l'adhérent horticole le plus important.

Quels avantages offrez-vous à vos adhérents ?

La mission principale de la coopérative est d'apporter tous les moyens nécessaires à la commercialisation des productions de ses adhérents. Ceci passe par le marketing, la relation clients, la prise de commande incluant l'organisation logistique et les partenariats avec les transporteurs... Certaines coopératives offrent même en amont un appui technique et de qualité. Une coopérative, pour tout horticulteur qui souhaite se concentrer exclusivement sur ses problématiques de production, constitue donc une solution idéale : elle est un relais, un appui. Cela implique une philosophie de l'entreprise différente, plus collective, mais elle ouvre d'autres perspectives en termes de marchés, parfois plus lointains et inaccessibles individuellement... Ensemble, on voit plus loin. C'est aussi vrai concernant l'accès à l'innovation et à la recherche : une coopérative peut plus facilement s'impliquer dans un pôle de compétitivité, comme Végépolys par exemple. Et l'innovation est aujourd'hui le nerf de la guerre.

Pourquoi aussi peu de producteurs adhèrent-ils ?

La philosophie du système qui veut qu'un homme représente une voix, qui implique de déléguer certaines tâches et une prise de décision collective sur de nombreux points peut gêner certains. Par peur de ne plus être maître chez soi, la production horticole française demeure atomisée. Pourtant les adhérents de coopérative demeurent bien libres dans la gestion de leur exploitation. La coopérative prend en charge des problématiques commerciale, logistique ou marketing qui deviennent de plus en plus pointues et peuvent être difficiles à solutionner seul !

La coopérative offre-t-elle une solution à la distribution qui demande plus de regroupement de l'offre ?

Évidemment, c'est même sa mission première ! Elle regroupe l'offre de ses adhérents et celle de producteurs associés pour proposer à ses clients une offre large et diversifiée. C'est un véritable service, une réponse à leurs besoins en une seule commande. Enfin, le volume important disponible offre un accès à des marchés régionaux, nationaux et européens...

Les acheteurs reprochent aussi aux producteurs un manque d'adaptation au marché. Le système coopératif permet-il d'être plus réactif ?

Oui. Cela fait aussi partie des missions premières des coopératives. Sur l'innovation, les évolutions, les tendances, nos collaborateurs sont en veille permanente au plan national comme à l'international. Les coopératives sont des outils au service de leurs adhérents et les aident à s'adapter aux attentes du marché, apportant ainsi des services supplémentaires aux clients. 2012 est l'année internationale des coopératives qui, en France, ont vu le jour grâce à la loi de 1962, statuant sur les groupements de producteurs. Quelques-unes, comme Fleuron d'Anjou, ont donc le plaisir de fêter leurs 50 ans. Cette pérennité est un gage de stabilité pour nos clients et nos producteurs. Elle démontre la capacité d'évolution et d'adaptation des coopératives, une des clés de leur réussite. Ces structures ne sont pas sujettes aux OPA, ne sont pas délocalisables et sont un exemple de démocratie (un homme, une voix).

Quels sont les points de tension, aujourd'hui, avec la distribution ?

Le plus récurrent reste le prix des produits dans lequel l'ensemble des services offerts à nos clients ne sont que trop rarement évoqués dans la comparaison des tarifs. À titre d'exemple, la largeur de gamme, les moyens marketing, les outils de communication à disposition des magasins, la distribution dans toute la France quel que soit le département (Corse comprise)... sont autant de points à prendre en compte.

Et avec les institutions publiques, le monde du paysage ?

Prenant l'exemple de ma coopérative, notre activité s'est dégradée. Nous faisions 10 % de notre chiffre d'affaires avec des collectivités il y a quelques années contre à peine 5 % aujourd'hui. Toutes ont vu leur budget diminuer de façon importante et les sommes consacrées aux achats de végétaux ont été parmi les premières à en souffrir. Des collectivités ont également investi dans des serres et produisent elles-mêmes leurs plantes : c'est aussi une partie de l'ornement qui nous échappe. Quant aux entreprises du paysage, c'est avant tout avec les pépiniéristes que se joue ce marché.

Quel est votre regard sur le débat concernant la compétitivité des entreprises françaises et le coût du travail dans notre pays ?

Un opérateur national est en compétition avec des producteurs de tous les pays européens. Les exportations en France sont très limitées par rapport aux importations. Ces dernières progressent surtout pour le marché couvert, car la production diminue en France en raison du coût élevé du travail. En Allemagne, le coût de la main-d'oeuvre saisonnière est inférieur de moitié à ce qu'elle est dans notre pays. Aux Pays-Bas, le coût du travail est comparable au nôtre, mais les Néerlandais travaillent toute l'année, approvisionnent quatre ou cinq marchés pour la fête des Mères... Nous ne pouvons pas rivaliser !

L'augmentation du taux réduit de la TVA a-t-elle un impact sur l'activité ?

En théorie, cela n'en a pas. Dans la pratique, je ne pense pas non plus. Quelques centrales ont essayé de reporter le surcoût sur les producteurs, nous avons refusé car nos marges sont insuffisantes. Si les magasins ne revoient pas les leurs, c'est le consommateur qui fera les frais de l'augmentation de TVA...

Comment se déroule la saison ?

Dans son déroulement, elle est plutôt compliquée. Après un bon démarrage en mars malgré une floraison des produits qui se faisait attendre, le mois d'avril, avec une météo pluvieuse et froide, est très largement en dessous des espérances. Les stocks en production sont importants, la météo n'étant toujours pas au rendez-vous pour les jours qui viennent (NDLR : au 3 mai). La première quinzaine de mai sera déterminante pour la saison et pour l'avenir de nombreuses entreprises.

Donnez-nous trois raisons d'être optimiste...

La première réside dans le collectif. En période de crise, il faut se regrouper pour trouver des solutions afin d'être percutant sur le marché. Être unis et solidaires nous permettra d'être acteurs de l'interprofession. Il faut s'appuyer sur des structures comme Végépolys (200 entreprises y adhèrent déjà), trouver des solutions transversales et travailler avec des secteurs d'activité qui a priori n'ont rien à voir avec le nôtre mais peuvent nous apporter d'autres visions et marchés. La seconde, c'est que notre secteur d'activité fait rêver. Il est associé au bien-être et aux plaisirs du cocooning, en embellissant la fameuse cinquième pièce de la maison que constitue le jardin ou la terrasse. C'est un nouvel axe, générateur de valeur ajoutée. Enfin, de plus en plus d'acteurs veulent vendre du jardin, mais, en cinq ans, le marché a perdu 20 % de ses producteurs. Cela ne peut pas durer, ils ne peuvent pas le faire sans végétaux.

Pascal Fayolle

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